Anthologie De La Rêverie – Moto Hagio

Titre : Anthologie – De la rêverie

Auteur : Moto Hagio

Nombre de tomes : 1

Note : 16/20

Editeur : Glénat

Genre : manga

Sous-genre(s) : shojo // science-fiction // imaginaire // aventure // romance

Mise en situation : Cette anthologie est un recueil de 4 histoires courtes qu’a écrit Moto Hagio entre 1971 et 1980. Ce sont des histoires plus ou moins courtes (allant parfois en dessous des 40 pages, parfois aux plus de 150) qui traitent de sujets multiples ayant tous un attrait aux mondes de l’imaginaire.

CET ARTICLE PARLE DE PLUSIEURS HISTOIRES, MAIS NE CONTIENT AUCUN SPOIL A PROPOS DE CELLES-CI.

Critique :

Moto Hagio est une mesure dans le monde du manga, depuis sa création. C’est bien quelque chose d’indéniable, car dès les années 70 elle a offert une vision nouvelle du shojo, cette catégorisation d’histoires illustrées plutôt ciblées pour un public féminin. Avec beaucoup de courtes histoires à son actif, elle a renouvelé le genre en lui offrant des limites plus modernes, se déroulant dans des univers plus fantasques voire même complètement futuristes. Elle est d’ailleurs considérée comme un nom à retenir dans le genre de la science-fiction jusqu’à présent rarement représenté dans ce médium nippon. Glénat a édité deux anthologies d’histoires courtes de l’auteur : De la rêverie et De l’humain, composées toutes deux d’historiettes avec une application de genre très différente. Dans ce recueil, les histoires de l’imaginaire sont plus ciblées, tandis que dans son anthologie De l’humain, il y aura plutôt des histoires sur le comportement des humains. Par ailleurs, la modernité s’observe également, au sein de ses histoires, par le brouillard du genre humain appliqué à ses personnages (par des personnages hermaphrodites, asexués ou encore androgynes).

  • Un Rêve ivre :

Cette très courte histoire est la plus récente du recueil et est probablement celle qui a trouvé le meilleur accueil en moi. Toute en couleur, elle nous narre l’histoire entre deux personnages : le Docteur Rem et le Docteur Safash. Ce second est un nouveau sur IO, un satellite de Jupiter. Il a la particularité d’être l’homme que Rem voit sans cesse dans ses rêves, ce depuis des temps immémoriaux. Rem est une femme malgré le fait qu’elle ait une apparence d’homme, et cela joue dans l’histoire, ce qui apporte une lecture volontairement ambigüe et particulièrement moderne pour l’époque où l’histoire fut écrite. Il y a de nombreux thèmes abordés au sein de ce conte – car oui, il est comparable à un conte tragique, du même acabit que ceux de Shirahime Syo, de CLAMP –, notamment l’idée de la réincarnation, le recommencement, la perpétuelle tragédie, l’origine des maux… C’est un conte fortement marqué par la mort, un désespoir sans fond, et c’est là que j’ai trouvé la poésie du fait. Un tel mysticisme qui tient lieu de nuage contextuel au sein d’histoire dans l’espace, cela n’augure que la bonne découverte.

  • Nous sommes onze ! :

Cette histoire écrite en 1975 est l’une des plus (re)connues de l’auteur. Il s’agit d’une histoire de science-fiction mais surtout d’une histoire de sexisme vécue par l’auteur. Dix personnages vont embarquer au sein d’un vaisseau spatial pour la dernière épreuve d’admission au sein d’une université galactique. Ils sont dix et vont devoir survivre pendant près de deux mois, seuls. Un unique problème est en vue : ils sont onze, il y a un intrus, et personne ne sait qui l’est. Quelle aventure ! Il est souvent noté que cette longue histoire (longue car approximant tout de même la centaine de pages) est le tout premier manga shojo se déroulant dans l’espace. Il s’agissait d’une idée que Moto Hagio avait depuis sa jeunesse, mais transposée dans un milieu spatial, son manga a pris des tournures planétaires révolutionnaires. Longtemps le genre de la science-fiction s’est cantonnée aux mangakas masculins car les femmes ne pouvaient simplement pas le faire – d’après ce que l’on disait – et qu’elles ne sauraient livrer une histoire correcte tout en dessinant des machines. Les préceptes d’antan… Moto Hagio s’est démarquée avec brio dans cette grande histoire avec de l’action, nombre de personnages hauts-en-couleur, et puis du danger autant que de l’amour. Elle a campé des personnages qui retournent les grandes attentes de leur genre, notamment par un personnage asexué (donc sans caractéristiques propre à un sexe) que l’on appelle « hermaphrodite », qui est voué à devenir une fille, mais qui se bat bec et ongles pour devenir un homme. Il y a, malgré cette étrangeté spatiale, avec des peuples inconnus et des régimes évolutifs étranges, quelque chose de profondément humain qui nous touche. C’est une très grande œuvre, un classique même, j’oserais dire !

  • Nous sommes onze ! – Suite : Est et Ouest, un lointain horizon :

Je vais être très concis sur cette histoire qui est la pure suite de la précédente afin d’éviter les spoils. Nous retrouvons Flore et Tada qui se retrouvent embarqué pour des retrouvailles avec un personnage de la première histoire. Je ne dirai pas duquel il s’agit, ni pourquoi ils s’en vont le retrouver, mais je dirai qu’ils s’embarquent tous deux au sein d’un conflit diplomatique et politique si important que les habitants de deux planètes sont concernés. L’accent de cette suite est beaucoup plus tragique et compliqué que l’accent posé sur l’histoire de base – alors plutôt drolatique, voire un accent d’enquête policière spatiale. Le ton frôle parfois l’impossible, la tragédie, la mort de tous les côtés, et de véritables retournements de situations dignes d’une politique complète arrivent et sauvent tout lorsque cela se trouve au plus bas. C’est étrange, c’est magnifique, les planches ont parfois une magnificence macabre qui eut l’occasion de me déclencher des moments d’extase. Je ne parlerai pas de la situation entre les personnages principaux, mais je peux dire que le personnage de Flore est idèle à lui-même, bien que parfois quelques moments de maturité surviennent. Le désespoir et l’attente forment un beau penchant pour l’auteure.

  • Le petit flûtiste de la forêt blanche :

Cette petite historiette (au sens presque péjoratif du terme) a été écrite au tout début des années 70, ainsi au commencement de la carrière de l’auteure, et cela se ressent atrocement. Je ne vois rien de mauvais dans ce conte – car c’en est un – outre le fait qu’il a vraiment vieilli dans le dessin. En effet, j’aime énormément les vieux dessins de mangas des années 70-80 (comme l’atteste mon amour pour les œuvres de CLAMP, ou mes passions claires pour Sailor Moon, les mangas de Mamoru Nagano et j’en passe), mais pas à ce point non plus… Parfois cela me donnait l’impression de me replonger dans les très vieilles esquisses des premières narrations de Junji Ito (comme ses Tomie originelles) et c’est ce qui a quelque peu entaché ma lecture d’esthète. En revanche, concernant, l’histoire, je n’en ai rien à redire : une jeune fille se promenant à travers bois et fourrés vient à rencontrer un jeune garçon de son âge, mystérieux, et doté d’une flûte si reconnaissable. Qui est-il ? À vrai dire, ce court récit m’a plongé dans un espace commun, sorte de lieu-dit, du conte mystérieux empreint de fantastique très léger. Il y avait une ambiance à la Princesse Sarah, dans ce qui serait une époque victorienne étrangère, mais avec des allures de conte allemand aux relents japonisants. C’est un mélange très particulier et aucunement sobre, et vu comme j’en parle, on pourrait croire qu’il m’a déplu, mais ce n’est même pas vrai…  C’est juste que j’en attendait sûrement beaucoup trop, pour une de ses premières œuvres.

Quel recueil ! Si je puis dire, il porte bien son nom. De la rêverie, nous en sommes servis. Des histoires résolument modernes se déroulant dans l’espace – prenant alors des allures de science-fiction précurseure – ou bien dans une ambiance presque similaire à celle des contes de Grimm et Perrault, Hagio campe des historiettes changeant le genre du shojo, y incorporant la SF ou le tragique.

Quelques planches ni divulgâchant rien :

6 commentaires sur « Anthologie De La Rêverie – Moto Hagio »

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer