Les Enfants Endormis – Anthony Passeron

Titre : Les Enfants Endormis

Auteur : Anthony Passeron

Note : 17/20

Editeur : Globe

Genre : témoignage

Sous-genre(s) : contemporain // sociologique // saga familiale // scientifique

Mise en situation : Anthony Passeron, narrateur de cette histoire, revisite son passé familial près de quarante ans après le décès de son oncle, Désiré, héroïnomane notoire, des affres du Sida. Un parallèle constant se fait, temporellement, entre le précipice familial et le précipice scientifique français au sein des hôpitaux.

Critique :

Longtemps j’ai vu ce livre dans le rayon des librairies où j’allais, de nombreux coups de cœurs, un phénomène de vente pour un premier roman de surcroit, qui a gagné quelques prix de libraires. C’est un récit qui tend vers l’autobiographie, mais pas tant, car c’est l’histoire de toute sa famille dont il s’agit ici, sauf de lui, vraiment. On rentre dans la masse familiale par la narration du père du narrateur : celui-ci est allé chercher son frère (dont oncle d’Anthony Passeron), Désiré, à Amsterdam. Et là commencera alors la descente aux Enfers. La découverte de la drogue, les mauvaises fréquentations, la déchéance dans les estimes. La maladie, aussi. Le Sida. Mais ça, personne ne le sait. Oui, personne ne le sait car le récit se place dans les années 80, et à cette époque, le Sida, l’intégralité du monde – scientifique y compris – pense qu’il s’agit d’une sorte de cancer de la peau réservé aux homosexuels. Au fur et à mesure du temps, toutes les minorités seront ciblées : les racisés, les drogués, puis les femmes, les étrangers… Jamais on n’aura pu imaginer qu’il s’agissait d’une maladie qui causerait autant de dégâts dans toutes les communautés, car de tous les temps, et à tort, encore de nos jours, le « mérite » est attribué à la communauté LGBT. C’est un autre débat. Le fait est qu’au fil des années, les découvertes scientifiques s’enchainent à une vitesse plus que réduite, et la santé des atteints s’aggrave à une vitesse toujours plus exponentielle. C’est alors un récit polyphonique qui s’opère ici : on suit la vie de la famille du narrateur et les découvertes scientifiques au gré d’un chapitre sur deux. Evidemment, on sent le désespoir absolument partout : les scientifiques sont très inquiets en ce qui concerne cette infection transmissible par les relations sexuelles et par le sang, tout autant que la famille s’inquiète pour son propre destin ! Une mère perdra son fils, et tout cela au gré d’incompréhensions : pourquoi se droguer ? pourquoi partager quelque chose qui va dans le sang ? qu’est-ce que la dépendance ? pourquoi en arriver là ? Toutes ces questions bien trop réelles pour n’être qu’objets de fiction : la réalité morbide tient clairement tête au lecteur pour lui intégrer l’horreur et l’impuissance de toute une situation démunie et perdue ; quelqu’un tombe dans l’addiction aux drogues, et qui en meurt indirectement. C’est terrible, triste, tragique et tout ce qu’on veut, mais ça a été la vérité sale et dégoutante pendant de très nombreuses années avant que l’on s’en rende vraiment compte. J’ai aimé ce texte car voilà ce qu’il expose : la vérité, des deux côtes : le peuple qui tombe face à la nouveauté et au manque d’informations, la communauté scientifique qui a peur de s’approcher de ces patients aux risques si inconnus… Voilà, en ce livre, tout le monde qui fait de son mieux, et, au final, tout le monde qui souffre. C’est absolument révulsant de tragédie, et l’Histoire restera marquée à tout jamais par cette épidémie qui a tant fait ravage.

Ce premier roman est froissant de vérités : la communauté scientifique qui a peur de l’inconnu, et le peuple qui tombe face à l’inconnu. Comment aborder la sécurité et la santé face à la mort de tant de gens ? L’imminence dispose de pressions ineffables. Par une histoire familiale absolument tragique, l’auteur nous guide à travers un récit touchant sur l’épidémie qui fit trembler le monde.

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