Sido suivi de Les Vrilles de la Vigne – Colette

Titre : Sido suivi de Les Vrilles de la Vigne

Auteur : Colette

Note : 16/20

Editeur : Le Livre de Poche

Genre : recueil de textes

Sous-genre(s) : autobiographique // familial // poétique // souvenirs

Mise en situation : Dans cette édition, tout d’abord, Colette signe un ouvrage autobiographique narré de façon à se concentrer sur sa mère, et son impact dans le milieu familial. Le mythe, « Sido »… Ensuite, dans Les Vrilles de la Vigne, l’auteur livre une pensée multiple, au fil des âges, pour donner la formation d’un recueil de nouvelles, de dialogues ou parfois simplement de textes…

Critique :

Difficile de continuer l’avancée dans l’Œuvre de Colette sans s’approcher du mythe de Sido, sa mère. Elle qui a toujours été l’ombre derrière la femme, présente dans l’intégralité des textes (soit explicitement, soit tacitement), avec une trace énorme sur la personne qu’est devenue Colette au fil des années. Féministe, elle aura donné son caractère bien forgé à sa fille, et alors la femme deviendra comme Pygmalion, engendrant Galatée, avec que Colette repeigne sa mère en Galatée. D’abord origine, puis produit, Sido n’est plus un mythe qui m’est inconnu.

Sido : Quelle douceur que cet ouvrage. Quel enfer ! que cet ouvrage. Il serait mauvais de dire qu’il n’est pas possible de ressentir l’enfance de Colette, en lisant un tel ouvrage. L’auteure suit une ligne directrice rédactionnelle et artistique claire : un recueil de souvenirs et d’anecdotes de son enfance. Il ne pourrait pas être plus autobiographique car aucun nom n’est tu, aucun endroit n’est caché, toute sa famille se trouve entre les pages… On y découvre une famille ordinaire, heureuse mais se combattant parfois, un peu dysfonctionnelle de temps à autre, avec une mère raide et assurée, un père fier, concerné sans trop l’être – comme tous les pères –, des frères qui sont de vraies terreurs, cocasses et blagueurs (voire pervers), et une sœur complètement effacée voire misanthrope. Celle-ci m’a concerné, car elle est tout autant absente de l’environnement familial qu’elle l’est du texte de Colette, seulement affrontée par son mariage mauvais et presque regretté ; j’aimerais bien en apprendre plus sur elle. Sinon, l’objet phare de cette ouvrage est bien évidemment la mère de Colette, la fameuse Sido, la figure récurrente tout au long de l’Œuvre de son auteur… Cette mère est l’une des plus connues de la littérature française contemporaine, et je comprends mieux pourquoi c’est le cas. Il y a une noirceur d’amour, dans cette mère, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, qui s’énerve sans frapper, qui aime tout en le cachant… L’ambivalence sentimentale qu’éprouve Sido pour le reste de la famille est touchant au possible, car l’amour transperce ses crises, cela se voit profondément, elle ne peut tromper personne derrière un air farouche. Malgré ce caractère brûlant, elle est aimée par tous. Colette voue une fascination pour elle, le père, ce capitaine hors du terrain, est très amoureux d’elle sans qu’il ne reçoive jamais de réciprocité, et les frères de Colette charrient Sido car tiennent tant à elle bien qu’ils ne le disent jamais – l’âge oblige, les sentiments pour la famille restent cachés. Il y a une douceur solaire, chaude, quand nous lisons un tel texte, car il suinte l’amour et l’acceptation. Il y a un regard vers l’arrière que passe l’auteur sur sa propre famille qui laisse à imaginer la reconstruction de jours heureux qui n’arriveront plus – au sein du texte, nous passons par la vie vécue par Colette avec ces êtres de sang, mais nous passons également par leur mort, par leur vieillesse, la maladie… Ces passages sont des plus lumineux, et jamais cela se confond dans la noirceur et dans un gouffre de négation : tout reste si élevé que l’on sent la concentration sur le positif même à ces périodes loin d’être faciles. La fougue de Colette m’étonnera toujours, car c’est avec une aisance et une simplicité claire qu’elle présente des phrases magnifiques et qu’elle nous fait ressentir jusqu’à la moindre brindille d’herbe roulant sous le pied, jusqu’à la moindre goutte tombant et dégoulinant sur le visage. Jusqu’aux rayons du soleil qui passent dans les cheveux. Jusqu’à la moindre fleur libérant sa senteur et nous atteignant au nez, profondément. Colette n’écrit aucunement de la littérature savante, ou encore palpitante, mais c’est la beauté du geste, c’est la simplicité de la plume et l’absence de prise de tête de sa littérature qui fait rendre compte d’une humanité qui fait du bien.

Les Vrilles de la Vigne : Après l’ouvrage consacré à la mère de Colette, Sido, je découvre ce recueil de nouvelles. Je ne saurais pas vraiment comment le décrire car il ne parle aucunement de l’auteur, réellement, mais tout ce qui est décrit de l’extérieur à l’auteur ne sert qu’à en renvoyer le reflet. Dans la nouvelle du miroir, colette décrit sa Claudine, donc elle-même. Dans les nouvelles animalières (parfaitement appréciables), Kitty-la-doucette et Toby-chien ne cessent de parler de leur maîtresse. Lorsque les nouvelles ciblent des personnages, c’est pour mettre sur un piédestal la figure auctoriale. Lorsque les nouvelles ciblent la nature, c’est pour mieux mettre en reflet les goûts de leur auteur. La sensibilité que le regard de Colette effectue sur son monde est d’une rareté prodigue : la multiplication de la réalisation amplifie l’effet porté à notre observation. C’est fou que d’observer les objets en même temps que cette femme nous les décrit, il y a une faculté hors du commun. Dans ce recueil plus que dans ses autres ouvrages, j’ai eu l’impression d’être transporté dans un autre monde, dans un temps d’autrefois, que je n’ai pas connu. J’ai l’impression que je peux imaginer les appartements vieillots, les boutiques en art-déco où l’on y achète des chapeaux et puis nous nous rendons au « music-hall »… Je retrouve le Paris et la campagne française d’Édith Piaf et Fréhel, celle que j’aime tant et que je ne verrai jamais.

Sido, œuvre autobiographique, est une peinture d’un environnement familial autant heureux que parfois dysfonctionnel, et l’on rencontre alors cette fameuse Sido qui se présente partout chez Colette… Les Vrilles sont, elles, de petites nouvelles sensibles sur la nature, l’amour, le paysage, le temps, les amitiés, les faits… C’est le temps du Lilas, chanté ici par l’auteur. C’est le temps perdu.

2 commentaires sur « Sido suivi de Les Vrilles de la Vigne – Colette »

  1. Comme toujours, très bel avis. Ce n’est pas mon genre de lecture mais tu m’as intriguée avec Sido et cette plongée sans artifice dans une famille dont on prend à suivre les liens entre les membres et la figure d’une mère qui en impose.

    Aimé par 1 personne

    1. Merci à toi pour tous tes avis qui me touchent 😭 C’est clair que c’est loin de ton genre de lectures, mais si jamais tu étais intéressée pour découvrir l’auteure, celui-ci est un bon (;

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