Contre Sainte-Beuve – Marcel Proust

Titre : Contre Sainte-Beuve

Auteur : Marcel Proust

Note : 17/20

Editeur : Folio

Genre : essai

Sous-genre(s) : métalittéraire // critique // roman

Critique :

L’histoire de ce texte est tellement dense qu’elle mériterait un article à elle seule ! Pour faire court, cet essai est composé de multiples petits chapitres/feuillets écrits entre 1908 et 1910 par son auteur qui avait totalement abandonné son idée de texte romanesque (qui sera, plus tard, A La Recherche Du Temps Perdu) et qui était revenu de Cabourg en proie à un mal extrême. Il va alors écrire un article pour Le Figaro qui sera une critique, voire une attaque, ciblant Sainte-Beuve, un très célèbre critique littéraire du XIXe siècle. Cet article de base, servant à discréditer avec crédibilité et constructivité, finira entouré de multiples autres feuillets qui chamboulent totalement la construction de ce qui finira par être un recueil sans aucune forme propre. En effet, cet essai n’en est pas vraiment un : on lui en a donné le nom pour mieux savoir l’aborder, caractéristique propre de l’humain. Outre un chapitre entier sur Sainte-Beuve, il y a d’autres chapitres qui sont des ressentis de lectures (qui seront mis en lien avec Sainte-Beuve, et qui se confronteront), il y a des réminiscences d’enfance, ou encore des descriptions de prose poétique… La particularité de ce texte est qu’il précède l’écriture de La Recherche, l’œuvre de la vie de Proust, mais on en retrouve énormément d’éléments : l’épisode de la biscotte trempée dans le thé (qui deviendra la fameuse madeleine), les jeunes filles en fleurs, les baisers de la maman, les villages et clochers normands, l’obsession de la mère pour Venise, la fascination du narrateur pour les Guermantes, la découverte de la sexualité, de l’amour, et même l’homosexualité – cette « race maudite » (un chapitre qui m’a bouleversé dans le recueil). Enfin bref, que d’éléments à retrouver dans A La Recherche Du Temps Perdu, si bien qu’on y retrouve parfois des passages entiers qui sont repris presque mots pour mots (comme ce passage si amusant et si proustien dans lequel le narrateur, en plein du milieu d’une insomnie, commence à s’endormir, mais où son subconscient le réveille pour lui faire comprendre qu’il est temps de trouver le sommeil). J’ai eu l’occasion et la chance de pouvoir lire toute La Recherche il y a de cela quelques années – et n’en ai posté aucun article sur ce blog, j’attends pour cela une relecture – et j’ai été très amusé de trouver autant de similarités entre les deux : on comprends vraiment qu’il s’agit ici d’une sorte d’œuvre préliminaire.

Mon avis est assez positif dans l’ensemble car j’ai souvent été touché par cette prose de Proust si reconnaissable et si agréable. La Recherche était la quintessence de cette prose poétique et bouffante bien qu’extrêmement douce, mais il y a dans ce recueil un potentiel prosaïque si important qu’il semble bien être le prédécesseur de l’ensemble romanesque : énormément de similarités, mais pas assez assumé, ou complet, comme un prototype. Evidemment, le but n’est pas le même entre les deux texte, car dans celui-ci nous retrouverons toutes les véritables analyses philosophiques et littéraires qui ne furent pas dans le cycle romanesque si connu. Toutes ces analyses très poussés et maitrisées m’ont beaucoup plu également – surtout la partie concernant Honoré de Balzac et toute son œuvre, où Proust a si bien su décrire cette légère grossièreté de personnage auctorial, mais aussi son génie, ou encore Baudelaire dont Proust vient en aide. J’ai dû lire Sylvie, de Gérard de Nerval, avant le chapitre qui lui était consacré, afin de mieux en saisir les profondeurs, et même si je n’ai pas été un très grand fanatique du texte et de son traitement, j’ai été rassuré de voir que je ne le ciblais pas de façon totalement fausse, car les raisons pour lesquelles je n’avais pas aimé le texte étaient celles qui faisaient de lui un chef-d’œuvre. Un chapitre m’a frappé de poésie : « Un rayon de soleil sur le balcon », exemple-même de la beauté de la phénoménologie proustienne. Sainte Beuve avait une philosophie particulière qu’il m’a été donné de déprécié par nombre de citations disposées au sein du livre par Marcel Proust ; en effet, un auteur doit, selon Sainte-Beuve, être jugé avec son art selon une pensée commune, comme quoi l’auteur physique est le poète, que les deux entités n’en font qu’une seule, et qu’on doit juger un livre en fonction de la personne qui l’a écrit. J’avoue être assez opposé à cette terminologie de l’auteur, mais c’est un rapport personnel concernant des modèles de transcendance et dissociation que j’apprécie particulièrement.

Enfin, je m’arrête ici ! Cet essai de Marcel Proust est amusant car n’en est pas vraiment un. C’est plutôt un recueil de textes/feuillets/articles/impressions que l’auteur a écrit entre 1908 et 1910. A l’intérieur, on retrouve une critique acerbe mais sincère de la critique de Sainte-Beuve, mais aussi toutes les bases qui serviront à fonder le monument de La (future) Recherche. Un texte fort et assez indispensable ! {17}

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