Les Jeunes Filles, tome 1 – Henry de Montherlant

Titre : Les Jeunes Filles, tome 1

Auteur : Henry de Montherlant

Note : 15/20

Editeur : Folio

Nombre de pages : 220

Date de parution : 12 juillet 1972

4ème de couverture : « En se penchant un peu en arrière, il voyait, derrière le dos de Solange, la jeune femme qui était assise à côté d’elle ; adossée dans son fauteuil, elle écoutait, bouche entrouverte et les yeux clos. Elle n’était pas jolie, mais Costals la désirait : Io parce qu’il trouvait convenable que, dans la même minute où il caressait pour la première fois une jeune personne, il en désirât une autre ; IIo parce que, donnant l’apparence du sommeil, il était impossible qu’elle ne levât pas en lui la pensée d’abuser de ce sommeil ; IIIo parce qu’il lui semblait que, pour éprouver une telle extase d’un phénomène aussi insipide que cette musique, il fallait qu’elle fût détraquée ; or, il n’aimait que les filles saines et simples, comme Solange, c’est pourquoi cela lui était agréable d’avoir envie d’une femme détraquée. »

Critique :

En effet, je rentre dans l’univers de Montherlant ayant fait beaucoup de débats enflammés au fil des années. Je vous en expliquerai les raisons plus tard, dans quelques lignes, mais je ne pensais pas lire ce livre au vu de sa réputation sulfureuse. Cependant, après de nombreuses interviews d’Amélie Nothomb écoutées, j’ai pu observer qu’elle citait énormément ce livre comme étant une de ses références absolues, et avoir eu l’occasion d’en parler avec elle a réussi à me faire changer d’avis. C’est ainsi que je démarrais cette expérience contraire à mes principes.

Nous allons suivre quelques personnages mis en corrélation, mais tout le monde tournera autour d’un auteur français célèbre : Pierre Costals, un misogyne notable, coureur de jupons. Il n’y a pas d’intrigue précise, mais un ensemble de correspondances qu’il tient avec des femmes qui lui sont admiratives formera la plus grande partie du roman ; il se situera à la frontière du roman épistolaire.

L’auteur du livre, Henry de Montherlant, était un misogyne notoire à un point si extrême que l’on pourrait même se demander s’il a aimé les femmes un jour dans sa vie. Il fut pédéraste – ayant recours à des « pratiques » avec de bien jeunes garçons. Ce furent ses relations préférées bien qu’il n’en ait jamais parlé ouvertement, et les femmes lui furent un moyen de distraction qu’il jugeait de pénible. Et tout ceci, il le fait ressentir – ma foi très bien – à travers les mots et actions de son personnage principal, le personnage de son œuvre.

Donc voilà le trait principal de ce livre, le gros malaise sexiste tournant autour du personnage principal se prenant lui-même pour un dieu et qui dénigre les femmes plus que n’importe quoi d’autre, se moquant ouvertement d’elles et ne les utilisant qu’à ses fins de ‘mâle’. Simone De Beauvoir a fait une critique acerbe de ce livre et son auteur dans son propre essai nommé Le Deuxième Sexe et qui a fait entrer ce roman dans une polémique moderne : « Montherlant s’inscrit dans la longue tradition des mâles qui ont repris à leur compte le manichéisme orgueilleux de Pythagore. Il estime, après Nietzsche, que seules les époques de faiblesse ont exalté l’Eternel Féminin et que le héros doit s’insurger contre la Magna Mater » ou encore « Inférieure, pitoyable, ce n’est pas assez. Montherlant veut la femme méprisable. » et je trouve sa critique intéressante car nous introduit amplement le point « méprisable » du roman.

Ce point, les femmes ornant les pages. Je les ai, en effet, bien toutes trouvées méprisables à souhait. Certaines ne sont que des groupies acharnées promettant de se suicider si elles ne reçoivent pas de réponse à leur missive envoyée à Costals, d’autres sont utilisées à des escients bien mensongers. Enfin, certaines sont collantes et d’autres simplettes. Bref, aucun portrait de femme n’est bienveillant dans ce livre et…cela ne m’a plus dérangé que cela. Bien honnêtement, des femmes similaires à celles trouvées entre ces pages, j’en connais, et c’est effrayant à voir ! Amélie Nothomb a bien souvent déclaré : « Cette lecture jubilatoire me confirma dans l’idée qu’il fallait tout devenir sauf une femme. […] Le terrible, dans les portraits de femmes de Montherlant, c’est qu’elles existent. On a beaucoup dit que Montherlant était un auteur antiféministe. Il y a quelque chose de très salubre dans cette misogynie. Toute femme devrait avoir lu ces livres justement pour se dire : « Attention, tu pourrais te changer en cet être geignard.«  » et au vu des portrait effectués dans ce livre, je comprends ces mots ; profondément.

Costals, lui, m’a souvent fait lever les yeux aux ciel. Je l’ai trouvé bien souvent détestable, mais en même temps…pas si terrible que cela. Les femmes sont si mal décrites en ce roman, que le personnage principal voue pour elles des réactions surtout très difficiles et sans aucun tact, alors que pourtant, il est froid et cruel, parfois. Mais je ne pouvais pas tant lui en vouloir, je ne pourrais pas me mettre à sa place, face à ce groupe de groupies, mais j’ai très bien compris ses réactions et ses maux, même si je l’ai trouvé dur dans ses mots (les citations que j’ai choisi pour illustrer mes propos sont disposées au-dessous de l’article).

Honnêtement, j’ai bien aimé ce livre. Il fut facile à lire, d’un accès déconcertant, mais ce fut surtout la vision omnipotente de la femme méprisable qui me chagrina. C’est pour me faire mon propre avis concernant ce sujet que j’ai lu le livre, et j’avoue être partagé entre mon esprit littéraire qui embrasse cette œuvre importante et mon esprit de « jeunesse féministe » qui la repousse.

Citations : (elles sont toutes bien représentatives de ce que l’on retrouve dans l’entièreté du récit)

« Je vous rappelle que je n’ai pas la foi. Si je cherchais Dieu, je me trouverais. »

« Mlle Dandillot n’envoya pas une lettre « solide ». Elle téléphona. Le sens de sa réponse fut : « J’avoue n’avoir pas compris très bien votre lettre. Mais j’ai beaucoup de sympathie pour vous. Pourquoi ne nous reverrions-nous pas ? » Ils convinrent d’aller au concert. Costals choisit le plus cher de Paris, car, lorsqu’on est avec une femme, il ne s’agit pas que ce soit bien, mais seulement que ça coûte beaucoup d’argent. »

« J’ai une physiologie un peu particulière. Je ne désire : a) que des filles âgées de moins de vingt-deux ans ; b) que des filles passives, végétales ; c) que des personnes longues et minces, avec le cheveu couleur aile de corbeau ; vous voyez que vous n’êtes pas du tout dans les conditions requises, et qui sont absolument sine qua non. Quels que soient vos attraits, sur lesquels je ne m’étendrai pas – vous les connaissez trop bien, – je ne me sens pas capable de répondre à un désir pourtant si honorable pour moi : la nature (la misérable !) resterait sourde à mes appels. Et, comme on dit, on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. »

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer