Lucrèce Borgia – Victor Hugo

Depuis le long temps que j’avais envie de lire cette pièce ! je m’apprête aujourd’hui à vous parler de Lucrèce Borgia, seconde pièce de Victor Hugo que je lis, second drame romantique que je lis de l’auteur. Après Angelo, Tyran De Padoue, je continue ma quête des drames romantiques de Hugo avec l’aide de ce sublime recueil que j’ai du acquérir pour les cours. Des quatre pièces du recueil, Lucrèce Borgia me faisait beaucoup saliver, et maintenant je peux enfin vous en parler !

Pour faire simple : Lucrèce Borgia est membre d’une famille détestée par l’ensemble de la grande Italie. Celle-ci est particulièrement haïe pour ses principales occupations – à savoir l’adultère, l’inceste et le crime de mort. Elle est crainte de tous, également de celui qu’elle rencontrera au cours d’une soirée costumée, Gennaro. Il ne connait pas l’identité de celle qu’il finira par aimer. Mais lorsqu’il apprendra qui se cache sous le masque, alors tout s’écroulera.

Il m’a été donné de retrouver au sein de la pièce des ambiances italiennes qui me siéent tant. Celles-ci sont assez appréciées de l’auteur, j’ai l’impression, quand on s’approche de ses drames. Elles étaient similaires à celles trouvées au sein d’Angelo, qui m’avaient déjà beaucoup plu. De plus, cette fois, la pièce se déroule intégralement à Venise ! Quel cadre de rêve totalement raccordé à l’action terrible de la pièce ! Venise est belle, mais Venise est cruelle ; elle tient en son sein tous les maudits et les innommables, et j’ai adoré me plonger dans cette pièce principalement à cause de son lieu. Je pense très clairement que la pièce n’aurait pas le même impact dans une ville française ou anglaise : il n’y a que l’Italie pour refléter cette fougue destructrice.

Cette pièce est un dédale : une foule de personnages qui sont inutiles de prime abord. En réalité, ils mettent en reflet les vrais importants. Ici, quatre personnages priment mais seulement deux retiennent toute notre attention, Gennaro et Lucrèce Borgia gravitent autour de l’un et l’autre durant toute la pièce comme deux danseurs d’un flamenco endiablé. L’amour les liant au début, puis la haine, tout me fait penser à un tango, tout compte fait. Même si d’autres détails entrent en ligne de mire, Gennaro et Dona Lucrezia sont les deux points rouges de l’histoire. Cette tension palpable m’a séduit. Même si, à mes yeux, il n’y en eu que pour…

Lucrèce Borgia ! Je n’ai eu d’yeux que pour elle et sa sublime noirceur presque accidentelle. Au sein de l’œuvre, on apprend qu’elle a tué nombre de gens – avec le reste de sa famille -, qu’elle est incestueuse, etc. On la décrit toujours comme un « monstre », littéralement. Et j’ai eu bien de la peine pour elle, oui. Toujours elle semble se réfugier derrière cette carrière dans le mal, tout est voulant s’en réchapper. Nous pouvons sentir qu’elle est déchirée par sa condition, mais pourtant, dès qu’elle se sent en danger, elle se réfugie derrière celle-ci. Elle est effroyable, et belle. J’ai eu beaucoup de peine pour elle est sa condition : sa parole conditionnée et reniée. Surtout lorsque j’ai pu lire la fin de la pièce, les actions dépassent les mots sur la vitesse, mais les mots rattrapent et nous font nous poser des questions. Nombreuses et innommables. Il s’agit sans aucun doute d’une fin qui foudroie.

Je dois avouer que lorsque j’ai découvert Angelo, Tyran de Padoue, j’ai découvert quelque chose de nouveau. Des complots, des secrets. L’Italie, aussi. Je suis tombé sur un coup de cœur pour cette pièce forte dont je n’avais jamais entendu parler. Lucrèce Borgia, en revanche, est dans mon esprit depuis bien longtemps – si longtemps que j’ai dû la poser sur un piédestal idéal, un fantasme, probablement. Ainsi, lorsque je l’ai lue, je crois m’être moins emballé que ce que j’imaginais. Ne vous méprenez pas, je l’ai tout de même adorée, et au-delà, mais la fin m’a laissé totalement désemparé : j’aurais aimé avoir des réponses à mes questions… Je crois tout de même avoir préféré Lucrèce Borgia à la première pièce, parce que tout et absolument tout m’a plu en celle-ci. Mais je serais tombé en amour fou pour la pièce si la fin avait été différente, ou seulement retardée.

Je suis tombé de haut lorsque j’appris que Lucrèce Borgia était une femme ayant réellement existé, née au XVe siècle, en Italie. Cette pièce, bien que romancée, pourrait totalement être qualifiée d’historique ! et je ne m’en doutai pas le moins du monde. Nombre de biographies, de documentaires ont été faits à son effigie, ainsi le mythe de cette femme fabuleuse ne fait que s’ouvrir pour moi. Cette pièce de Hugo est le plus célèbre des hommages à cette femme, c’est une pièce bien souvent jouée dans le théâtre « classique » – bien qu’elle ne fut pas nécessairement bien reçue lors de sa création. Une mise en scène a été effectué avec dans le rôle principal, je vous le donne en mille, Béatrice Dalle ; quel choix admirable et diablement bien pensé, il me tarde d’en voir la représentation disponible en libre accès sur Internet.

Cette pièce m’a été une adoration, et une sublime découverte. Moi qui m’attendais à un grand spectacle depuis bien longtemps, je dois dire que c’est réussi. Lucrèce Borgia était une femme admirable, à mes yeux, dans ses moyens disposés à exercer le pouvoir, sa fougue sans retenue… L’ambiance italienne a parfaitement sied au récit. Je pense que j’aurais aimé cette pièce encore plus, d’un amour infini, si la fin avait été retardée pour me donner des réponses à mes questions malgré tout.

Citation et passages :

«            DONA LUCREZIA – Eh bien ! dis, Gubetta, mon vieil ami, mon vieux complice, est-ce que tu ne commences pas à sentir le besoin de changer de genre de vie ? est-ce que tu n’as pas soif d’être bénis, toi et moi, autant que nous avons été maudits ? est-ce que tu n’en as pas assez du crime ?
              GUBETTA – Je vois que vous êtes en train de devenir la plus vertueuse altesse qui soit.
              DONA LUCREZIA – Est-ce que notre commune renommée à tous deux,  notre renommée infâme, notre renommée de meurtre et d’empoisonnement, ne commence pas à te peser, Gubetta ?
              GUBETTA – Pas du tout. Quand je passe dans les rues de Spolète, j’entend bien quelquefois des manants qui fredonnent autour de moi : Hum ! ceci est Gubetta, Gubetta-poison, Gubetta-poignard, Gubetta-gibet ! car ils ont mis à mon nom une flamboyante aigrette de sobriquets. On dit tout cela, et, quand les voix ne le disent pas, ce sont les yeux qui le disent. Mais qu’est-ce que cela me fait ? Je suis habitué à ma mauvaise réputation comme un soldat du pape à servir la messe. »

«            DONA LUCREZIA – Tout est-il prêt pour ce soir, Gubetta ?
              GUBETTA – Oui, madame.
              DONA LUCREZIA – Y seront-ils tous les cinq ?
              GUBETTA – Tous les cinq.
              DONA LUCREZIA – Ils m’ont bien cruellement outragée, Gubetta !
              GUBETTA – Je n’étais pas là, moi.
              DONA LUCREZIA – Ils ont été sans pitié !
              GUBETTA – Ils vous ont it votre nom tout haut comme cela ?
              DONA LUCREZIA – Ils ne m’ont pas dit mon nom, Gubetta, ils me l’ont craché au visage !
              GUBETTA – En plein bal.
              DONA LUCREZIA – Devant Gennaro !
              GUBETTA – Ce sont de fiers étourdis d’avoir quitté Venise et d’être venus à Ferrare. Il est vrai qu’ils ne pouvaient guère faire autrement, état désignés par la sénat pour faire partie de l’ambassade qui est arrivé l’autre semaine.
              DONA LUCREZIA – Oh ! il me hait et me méprise maintenant, et c’est leur faute. – Ah ! Gubetta, je me vengerai d’eux.
              GUBETTA – A la bonne heure, voilà parler. Vos fantaisies de miséricorde vous ont quittée, Dieu soit loué ! Je suis bien plus à mon aise avec votre altesse quand elle est naturelle comme la voilà. Je m’y retrouve au moins. Voyez-vous, madame, un lac, c’est le contraire d’une île ; une tour, c’est le contraire d’un puits ; un aqueduc, c’est le contraire d’un pont : et moi, j’ai l’honneur d’être le contraire d’un personnage vertueux. »

« Oui, les Borgia ont des poisons qui tuent en un jour, en un mois, en un an, à leur gré. Ce sont d’infâmes poisons qui rendent le vin meilleur, et font vider le flacon avec plus de plaisir. Vous vous croyez ivre, vous êtes mort. Ou bien un homme tombe tout à coup en langueur, sa peau de ride, ses yeux se cavent, ses cheveux blanchissent, ses dents se brisent comme verre sur le pain ; il ne marche plus, il se traîne ; il ne respire plus, il râle ; il ne rit plus, il ne dort plus, il grelotte au soleil en plein midi ; jeune homme, il a l’air d’un vieillard ; il agonise ainsi quelque temps, enfin il meurt. Il meurt ; et alors on se souvient qu’il y a six ou un an il a bu un verre de vin de Chypre chez un Borgia. »

Un avis sur « Lucrèce Borgia – Victor Hugo »

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